Le Voir et le texte, deux approches pour un changement avec un même objet, les apports de l'écriture filmique sur la définition d'un objet de sociologie
David Gamet  1, *@  
1 : LITT&ARTS. Arts et pratiques du texte, de l'image, de l'écran et de la scène  (LITT&ARTS)  -  Site web
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* : Auteur correspondant

« Ce que je trouve le plus significatif, c'est que je n'ai pas eu besoin de textes pour voir ce qui se passe dans le tableau. (...) tu pars de textes et tu as besoin de textes pour interpréter les tableaux, comme si tu ne faisais confiance, ni à ton regard pour voir, ni aux tableaux pour te montrer d'eux-mêmes ce que le peintre à voulu exprimer » Daniele Arasse parle ici d'un différend d'interprétation avec la personne à qui il adresse une lettre, Gulia, sur le sens ou la « bonne » interprétation à donner à une peinture, Mars et Venus surpris par Vulcain de Tintoret. Il donne son point de vue : « ce qui me préoccupe, c'est plutôt le type d'écran (fait de textes, citations, et de références extérieures) que tu sembles à tout prix, à certains moments, vouloir interposer entre toi et l'œuvre, une sorte de filtre solaire ».

Ce qui m'intéresse le plus dans ces deux citations se trouve dans les notions de Voir et dans la confiance à faire à l'image. En en quoi pouvons-nous faire confiance à un film (et à son processus même d'écriture) pour nous guider dans notre regard d'interprétation (scientifique) ? Ce que j'aimerai montrer ici réside dans la fait d'avoir pu expérimenter deux approches, que je qualifierais de deux regards, d'un même objet sociologique. La première approche s'est faite par les codes de l'écrit ; la deuxième, par le Voir et les codes du cinéma (documentaire).

Mon travail de thèse reprenant depuis deux ans, sur le même objet de recherche, je peux bénéficier de la trace écrite de mon précédent travail de recherche avec aujourd'hui le bagage, regard, du réalisateur de film. Mon travail de thèse actuel est orienté par et vers la sociologie visuelle. Et, c'est ce que je vais essayer de montrer dans cet article, ce nouveau regard, ce Voir, différent justement, d'une approche textuelle de l'objet, par le biais de l'écriture d'un film (objet complémentaire au texte écrit de ma thèse de doctorat).
Cette écriture de film sociologique m'apporte, m'amène vers une toute autre approche de mon objet de recherche. Ecrire un film sur mon objet de recherche me fait prendre conscience des premières limites, angles morts, habitudes de chercheur, partis pris même, qui étaient sous-jacents à ma première définition de mon objet. Voir mon objet, par le biais des questions de bases d'écriture d'un film m'a donc amené à reVoir mon objet de recherche.

Le corps et le dispositif sont apparus, par le processus d'écriture en image. Finalement, ce qui était sous-jacent dans la première problématisation (écrite) est apparu sous un autre jour. Le premier terrain avait fait apparaître les notions d'intérêt et de besoin. Nous avons tous besoin de suivre l'actualité et nous suivons, sélectionnons l'actualité qui nous intéresse. La conclusion du premier terrain apportait cela. Il y avait derrière la notion d'intérêt, des processus sociaux que nous avons pu mettre à jour, comme l'habitus et les rôles sociaux. Mais je n'arrivais pas à donner une direction claire à mon analyse qui oscillait entre les notions d'intime, socio-anthropologie de l'intime, du Soi, le souci de soi de Michel Foucault.

Sans pouvoir également clarifier les rapports Texte(s) - récepteur(s). J'oscillais entre une analyse qui allait vers l'idée que s'informer, c'est se regarder soi (par le biais de l'Autre), ou dans une autre mesure, l'actualité, le Texte-actualité serait une injonction sociale qui fabrique, construit du Je, de l'individualisation. Sans pouvoir donner une prévalence à l'une des deux hypothèses. Le film met en scène deux personnages (le Texte et son dispositif et les récepteurs) et s'intéresse plutôt au rapport entre ces deux personnages. Dans la notion de rapport, c'est bien la forme du lien entre le texte et le récepteur et comment l'un interagit sur l'autre qui est au centre de la recherche. Le centre de gravité de mon objet de recherche a été décalé. Et des parties écrites de ma thèse, prennent également plus de sens. Il y avait une tentative de définition d'une sociologie de l'intime, le fait d'être centré sur le détournement du texte par le récepteur m'empêchait de penser le rapport au texte. L'écriture de l'objet par le biais du film, place l'objet de ma recherche en terme de rapport (Je - Tu), ce qui est dans les termes de François Laplantine, le lieu ou justement penser et définir l'intime. Voir donc mon objet de recherche l'a partiellement modifié, cela a également permis à ma recherche de finalement mettre du sens, et « paradoxalement » des mots, sur des concepts encore non maîtrisés ou utilisés mais sans trop sans comment les rendre pertinents et justement définis.


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