Humbles rencontres : modes d'approches de relations entre humains et entre humains et non humain ordinaires
Beatrice Maurines  1@  
1 : centre max weber  (CMW)  -  Site web
Université Lumière - Lyon II, Institut des sciences de l'homme
ISH - CMW 14 avenue Berthelot 69007 Lyon -  France

Quels dispositifs pragmatiques sur le plan épistémique et méthodologique pour filmer le quotidien de nos proches dans leurs relations aux mondes ordinaires de la nature qui leur est proche ? Comment les transformations sociétales à bas bruit sociétale instruisent-elles sur des modalités nouvelles de faire société entre humains et non humains et entre humains ? Les relations de proximité territoriale, relationnelle, de construction de projets commun participent-ils à la fois de transformations individuelles et collectives et sont bénéfices des ressources environnementales ?
L'intervention se propose d'articuler deux niveaux de proximité celui de la chercheure avec son entourage familier, devenu petit à petit un terrain d'expérimentation et celui des relations entre humains et non humains familiers sur lesquels les recherches scientifiques sont peu présentes. L'exposé partira d'une présentation d'une courte vidéo extraite d'un film en cours de réalisation qui montre visuellement une communauté d'action avec image animée (Maurines, 2014) et ses effets sur la recherche. Celle-ci porte sur les relations entre humains et entre humains et non humains dans les communautés de vie et de travail et agir local (Maurines 2019).
Ces relations entre animaux et plantes ordinaires instruisent sur la vie quotidienne des uns et des autres. L'objectif est de montrer la pertinence, sur de tel sujet, de l'éco-sensible qui est basé sur les affects et les effets que la nature a sur les humains et réciproquement. Le propos, n'est pas de s'intéresser aux animaux ou aux végétaux rares et exceptionnels dont les narrations sont déjà présentes dans les récits des missionnaires et exposés dans les cabinets de curiosité d'hier ou présent encore aujourd'hui via les expéditions pour des collectes muséographiques (Faugere) ou autres expositions photographiques (Genius de Salgado, La terre vue du ciel de A. Bertrand ). Il propose également de se décaler de la littérature actuelle et des travaux des sciences humaines, où les relations humains-non humains sont devenues un objet de publication exponentielle depuis quelques années et où on rencontre des « personnages » par des expéditions sur des territoires d'exception comme les grands nords européens ou américains (Turc, Tesson, Morizot).
Dans ces zones encore relativement méconnues se sont les grands animaux emblématiques que l'on piste : l'ours le loup, la panthère des neiges, les rennes. Nous proposons dans cette intervention d'aller au plus près de nous, juste là, dans notre quotidienneté ordinaire, de s'intéresser à la proximité relationnelle entre humains et entre humains et non humains de nos campagnes (Despret, 2019).
L'idée est de croiser des expériences qui ont lieu dans des espaces et avec des espèces ordinaires. Espaces et espèces à bas bruit bien souvent invisibles dans les recherches écrites en SHS que dans les image (fixes et animées. Des personnes s'animent ici pour des limaces et des simples. Pour ces non humains elles mettent en oeuvre des recherches, sans être des scientifiques, pour mieux les connaître, les inventorier, les soigner, les sauvegarder. Ces « petits » vivants par les pratiques de ces anonymes sortent de l'anonymat, voire de leurs images de nuisible, des mauvaises herbes. Ces plantes s'animent, elles deviennent comestibles, indispensables au maintien de la biodiversité ; la limace, l'escargot deviennent des espèces à connaitre et à protéger. Comme E. Viveiro de Castro (2009) le propose, il s'agit avant tout d'instruire la différence, le pluralisme du monde et de montrer que nous sommes interdépdendant.es et cohabitant.es d'un même monde mais qu'il y a en a des déclinaisons et des modes d'appréhension différents.
Le voisin présenté dans cette capsule vidéo s'inscrit dans un lent et continuel processus de participation à l'avènement d'autres relations entre humains et non humains dans un processus d'écologisation des pratiques. Cette relation transforme le rapport à la nature avec laquelle on cohabite dans un espace proche et immédiat. La relation se construit autour de la participation qui permet aux personnes de prendre part, de contribuer et de bénéficier pour soi et pour autrui, humain comme non humain (Zask, 2013).
Ce qui est mis en échange c'est un apprentissage permanent, extensible et indéterminé qui permet un « grandissement » de l'être par l'expérience de la rencontre et de la prise de soin qui est mis en partage avec l'appui de la caméra. Ce cheminement du voisin comme de la réalisatrice se construit au cours de la vie, il n'est pas inné dans notre société. Il est instruit par les transformations de l'écosystème, le changement climatique et par une prise de conscience subséquente qui se développe pas à pas, dans des quotidiens où les un.es et les autres mettons en oeuvre des pratiques plus ou moins développées écologiques. Ce bas bruit est celui des chemins à emprunter, non linéraires, non liés de façon strictes à des classes sociales ou milieux sociaux (Ariés, 2015).
La personne filmée a accentué sa démarche de rencontres avec les non humains au fur et à mesure de sa vie et ce sans doute en relation avec les transformations mondiales liées au changement climatique, à la modification de la biodiversité. La chercheure en filmant participe à ses expérimentations, actualise ses connaissances comme celle de son voisin par des questions mise en partage, les mets en pratiques dans son propre jardin. Pour travailler sur un « terrain » de ce type, la proximité relationnelle, géographique (Rallet et Torré) mais aussi processuelle (Fournier Herault, 2013) est la condition sine qua none.
Il faut être là au bon moment, tout le temps, pour être là quand l'action quotidienne ou incertaine se présente. Le voisin, quand il pleut de jour comme de nuit, sort de chez lui pour ramasser sur la route les dizaines de limaces, escargots et autres salamandres avant le passage d'une voiture. Avec des voisins ne comprenant pas ce qu'il se joue là dans cette préservation d'une nature souvent considéré comme nuisible. Cette relation de proximité permet de rendre compte d'un ordinaire de la vie, elle ne s'appuie pas ici sur une proximité de classe, de genre, d'âge ni par une empathie pour la personne mais bien davantage d'une cause à défendre qui s'étend et se met en partage au delà des catégorisations utilisées usuellement en sociologie. La vidéo, n'est pas ici un outil de restitution de la recherche, elle est bien davantage un objet partagé, une forme d'évidence construite relationnellement autour des compétences différenciées des partenaires de l'échange ou la confiance mutuelle est indéniable et où chacun est à une place ; sa place.
Le film dont sera diffusé un extrait lors d colloque donne à voir et à savoir à un public plus large l'intérêt qu'il y a à s'intéresser aux relations entre les humains et les non humains mais que le dispositif filmique ne peut exister que par les relations que les humains ont construit entre eux. Il ne s'agit plus alors de restitution de la recherche mais de croisement des savoirs.

Bibliographie

- Aries, 2015, Écologie et cultures populaires: Les modes de vie populaires au secours de la planète, Utopia, Paris.
- Faugere E.,2012, Itinéraires de coquillages, Technique et culture
- Maurines B. 2014, Quelles communautés d'action pour les chercheurs avec images anilées en France, Année sociologique, vol 65.
- Maurines B., 2019, Communautés de vie et de travail et agir local, HDR, sous la direction de A. Bertho et L. Atlani Duault, Paris 8, 344 p. Morizot B, 2019, Sur la piste animale, Actes Sud
- Tesson S. 2019, la panthère des neiges, Gallimard
- Despret V., 2019, Habiter en oiseau, Actes Sud
- Rallet A., Torre A., 2004. Proximité et localisation. Économie Rurale 280, 25-41
- Viveiro de Castro E., 2009, Métaphysiques cannibales, PUF.
- Zask J. 2013, Participer. Essai sur les formes démocratiques de la participation. Le Bord de l'eau.


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